Le travail en atelier devant un modèle vivant

Historique

Un peu d'histoire....

Tout d'abord, pour les personnes qui ne s'en souviendraient pas, voici un petit rappel des grandes périodes de l'histoire :La préhistoireL'antiquité

  1. Le moyen age
  2. Les temps modernes
  3. L'époque contemporaine

Vous vous en doutez la nudité pendant la période de la préhistoire n'était pas un sujet à débat!

En revanche à partir de l'antiquité et notamment dans les sociétés européennes, la nudité n'allant pas sans une certaine réprobation, principalement en ce qui concerne les parties du corps qui sont "dites" de caractères sexuels primaires ou secondaires, il fallait une justification pour le dessin de nu. On l'appelle alors "l'académie"

Alors, le nu en atelier n'était pas une fin en soi, mais une étape de la formation de l'artisan (de l'antiquité au moyen âge), et plus tard, de l'artiste (à partir des temps modernes).

En effet, contrairement aux idées reçu, l’appellation "d'artiste" est née pendant la période des temps modernes parce que jusque là, l'artiste n'était qu'un anonyme artisan, formé aux arts.

J'utiliserais tout au long de ce billet, le mot "artiste", pour plus de clareté et ce quelque soit la période de l'histoire concernée.

Justification du travail de nu

Donc, la connaissance du corps humain a représenté la base de l'apprentissage de ces métiers.

En effet, il s'agissait de dessiner le corps avant de disposer les draperies, pour ensuite peindre les plis sans équivoque mais aussi pour conduire adroitement les spectateur à imaginer ce qu'il y avait sous les drapés.

l'artiste devait connaître l'anatomie, pour comprendre le mouvement des os et des muscles qui donnent forme à ce que l'on voit du corps.

La référence à l'Antique et la valorisation esthétique de la statuaire grecque et romaine rendaient aussi la nudité acceptable, voire nécessaire, pour les personnages mythologiques, allégoriques ou religieux. Même dans la religion chrétienne, certains sujets la justifient ou l'exigent, comme le baptême et la crucifixion du Christ, le martyre de saint Sébastien, etc.

L'artiste devait donc être capable de représenter des figures nues.

Après une éclipse à la fin du XXe siècle, l'académie, désormais plus souvent appelée « dessin de modèle vivant », connaît au début du XXIe siècle un renouveau, tant dans l'enseignement des beaux-arts que dans la pratique amateur. Enseignants et pratiquants soulignent l'apport de cet apprentissage à la sensibilité artistique et à la précision (Vallet 2013, p. 25).

La formation académique de l’artiste 

Depuis l’antiquité, la connaissance du corps humain a représenté la base de l’apprentissage du métier d’artiste. Dans les académies modernes, elle était enseignée de plusieurs façons, à la fois par des cours théoriques et des leçons pratiques.

Celles-ci étaient de deux sortes : d’après les sculptures antiques, présentant le nu idéalisé, puis d’après le modèle vivant. Les trois documents réunis ici révèlent cette part essentielle du dessin d’après le modèle en chair et en os dans des ateliers du début à la fin du XIXe siècle. Que ce soit dans l’atelier d’un maître prestigieux comme Jacques Louis David au Collège des Quatre Nations, ou dans les classes de l’Académie Julian fondée en 1873, l’étude du nu masculin et féminin représentait l’un des exercices fondamentaux de l’apprentissage des peintres et des sculpteurs. Longtemps, cette connaissance a été réservée à un public masculin. Les femmes n’ont pu faire que leur apparition officielle sur les bancs des ateliers des Beaux-Arts qu’à partir de 1897, tandis qu’elles étaient déjà reçues dans les écoles libres telles que l’Académie Julian. Les modèles employés pour ces exercices étaient des professionnels, souvent d’origine étrangère comme le jeune polonais qu’employait David. Le professeur désignait la pose qui était conservée pendant plusieurs semaines et faisait l’objet d’une correction générale par le maître

Analyse des images

La place du modèle dans les ateliers

La figure du modèle occupait une place centrale dans les ateliers. Sujet d’étude et de connaissance anatomique, le corps est au centre de l’apprentissage des artistes. L’œuvre représentant l’intérieur de l’atelier de David met en scène plusieurs élèves affairés à l’étude de l’anatomie du modèle masculin figé dans sa pose contemplative. Tous sont occupés, qui en peignant, qui en dessinant, à saisir cette musculature. De ces travaux ressortiront des études qui ressemblaient peut-être à celle de Gustave Moreau quelques décennies plus tard. L’enseignement académique a perpétué une retranscription très idéalisée du corps, dans l’héritage de la tradition gréco-romaine. Dessinée par Gustave Moreau, cette académie – terminologie employée pour qualifier les travaux d’école – est typique des exercices imposés aux jeunes artistes à l’Ecole des Beaux-Arts au XIXe siècle. La pose n’était pas naturelle mais entendait former les élèves à la maîtrise des postures nécessaires à la réalisation de la peinture d’histoire et au passage du Concours de Rome, le plus prestigieux des concours de l’Académie. Par opposition, l’enseignement dispensé dans les académies libres du XIXe siècle, comme Julian, prônait un rapport plus réaliste au corps. La photographie prise dans les années 1890 révèle la présence d’un modèle féminin, nue parmi une assemblée d’élèves réunis autour du professeur. Autour des chevalets, la palette à la main, ils ont interrompu la séance de pose. Le modèle ici n’apparaît comme cette beauté classique que l’on retrouve dans les dessins des étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts. Avec son chignon ramassé, la jeune femme évoque la physionomie des danseuses de cabaret dans les toiles des artistes indépendants de la seconde moitié du XIXe siècle, comme Toulouse-Lautrec, Edouard Manet ou Edgar Degas. La vie des femmes modèles n’était pas simple à cette époque. Souvent considérées comme des femmes de petite vertu, elles ne bénéficiaient pas de la même respectabilité que les modèles masculins. La supériorité attribuée traditionnellement à l’anatomie masculine sur le corps de la femme resta l’une des constantes de la peinture académique durant tout le XIXe siècle.

Histoire

Le dessin de nu est considéré comme l'aboutissement de l'apprentissage artistique dès le XVe siècle, en Italie2.

Les séances de dessin de modèle furent institués par l'article IV des statuts de l'Académie royale de peinture et de sculpture (plus tard Académie des beaux-arts) dès sa création en 1648. Les peintres et sculpteurs de l'Académie élisaient en leur sein douze « Anciens » chargés d'ouvrir le cours et de mettre le modèle en position. L'article XIII prévoyait la présentation d'une « académie » comme morceau réception à l'Académie.

Après cent cinquante ans d'exercice, les connaisseurs apprécient pour lui-même cet ouvrage qui n'a d'autre but que de montrer le talent de son auteur. « Une « académie », savamment peinte, a autant de droits à devenir un tableau de Cabinet précieux, qu'un ouvrage de tout autre genre » (Watelet 1791, p. 3).

L'apprentissage artistique commençait, pour les peintres, par la copie de dessins. Il se poursuivait avec les études de détails « d'après la bosse » (des modèles sculptés de mains, des moulages de bustes antiques, etc.), avant de passer au dessin de statues entières, et aux exercices de l'écorché. Lorsque l'élève avait acquis suffisamment de maîtrise, il passait au dessin de modèle vivant, d'abord en dessin linéaire, puis en représentant les valeurs. Il abordait ensuite les dessins d'animaux (principalement, le cheval), les drapés, et, dans l'atelier d'un maître, l'étude de la couleur.

Dans l'enseignement académique de l'Ancien régime, le modèle nu est exclusivement masculin. Les statuts de l'Académie, en effet, prennent soin d'affirmer que les cours ne sont pas le prétexte de contacts à fins de relations sexuelles (l'homosexualité n'étant pas supposée exister). Les rares femmes élèves sont exclues des cours de dessin d'après modèle nu. Elles seront admises à ceux de l'Académie Julian en 1880 et en 1897 à ceux de l'École des Beaux-Arts.

À certaines époques, les artistes produisent des ouvrages érotiques, souvent basés sur un nu féminin offert au regard des spectateurs, implicitement hommes3. Cependant, le dessin d'académie d'après un modèle de sexe féminin à l'École des Beaux-Arts ne date que du début du XXe siècle[réf. souhaitée].

Critiques des « académies »

Dès 1765, Diderot critique l'exercice du dessin de modèle : « Et ces sept ans employés à l'Académie à dessiner d'après le modèle, les croyez-vous bien employés, et voulez-vous savoir ce que j'en pense ? (...) Toutes ces positions académiques, contraintes, apprêtées, arrangées ; toutes ces actions froidement et gauchement exprimées par un pauvre diable, et toujours par le même pauvre diable, gagé pour venir trois fois la semaine se déshabiller et se faire mannequiner par un professeur, qu'ont-elles de commun avec les positions et les actions de la nature? (...) la vérité de nature s'oublie, l'imagination se remplit d'actions, de positions et de figures fausses, apprêtées, ridicules et froides. Elles y sont emmagasinées, et elles en sortiront pour s'attacher sur la toile » (Diderot An IV (1795), p. 7)4.

Cependant, la méthode persista, faute de meilleurs exercices pour enseigner le dessin du corps humain, son anatomie, ses proportions et leur « raccourci » du fait de la perspective. La copie de dessins ou de photographies ne présente pas les mêmes difficultés, et les humains sont beaucoup plus sensibles aux variations de forme et de proportion quand il s'agit de corps humain que pour n'importe quel autre sujet. Cependant, si l'« académie » de l'enseignement classique recherchait une beauté idéale et n'hésitait pas à corriger les proportions pour s'approcher de celles mesurées sur les statues antiques, le dessin de nu d'après nature moderne cherche plutôt une représentation plus fidèle de la diversité des individu

Interprétation

L’évolution de la représentation du corps au XIXe siècle

L’image du corps idéalisé, telle que la pratiquèrent les élèves de Jacques Louis David ou de l’Ecole des Beaux-Arts, a été mise au point durant l’Antiquité. Tout au long de la période moderne, elle avait été encouragée par des théoriciens tels que Winckelmann et entretenue par le primat donné à la grande peinture d’histoire, genre littéraire et religieux qui occupait la première place dans la hiérarchie des genres codifiée par Félibien au XVIIe siècle. Perpétuant cet héritage, le nu idéal occupait toujours une place essentielle dans la tradition picturale au XIXe siècle. David, dont l’atelier fut prolifique, avait placé l’étude d’après le nu au cœur de ses réflexions théoriques. Dans une déclamation célèbre sur l’une de ses toiles majeures, Les Sabines (Paris, Musée du Louvre), il prônait encore la nécessité d’imiter les anciens et d’apprendre d’eux la mise en valeur du corps par la nudité, une nudité héroïsée et enjolivée par l’esprit de l’artiste. Cette idéalisation néoclassique a été largement perpétuée dans les travaux académiques tout au long du siècle. La référence aux canons de la plastique gréco-romaine demeurait la règle dans un processus d’apprentissage que devait conduire au Prix de Rome. Cependant, le XIXe siècle fut aussi celui d’un changement historique dans la représentation du corps humain. En parallèle de la démocratisation du statut de l’artiste, et de l’émergence de nouvelles tendances comme le réalisme et l’impressionnisme, la représentation du corps par les artistes indépendants s’est défaite des principes de l’idéalisation néoclassique, en favorisant le dépassement du clivage judéo-chrétien entre le beau – expression de la perfection divine – et laid – expression la déchéance morale.